Trop nombreux ? Un dossier sur la démographie réalisé pour la revue S!lence, n°389

10/04/11

A la demande de la revue S!lence, j’ai piloté le n° 389 sur un thème à la fois délicat et très important : la démographie ! Avec des articles de cadrage réalisés par Mathilde Szuba, Jacques Caplat et AUrélien Boutaud. Ci-après, un extrait de l’article introductif sur l’empreinte écologique et la démographie. Où il est question de population, mais aussi de modes de vie…et de plein d’autres choses ! Le numéro est épuisé mais il est téléchargeable gratuitement en pdf ici.

A la demande de la revue S!lence, nous avons piloté le n° 389 sur un thème délicat mais important : démographie et écologie ! Extrait de l’article introductif, rédigé par Aurélien Boutaud :

 

« Qu’il s’agisse des propos alarmistes de Jacques-Yves Cousteau ou encore des écrits de Paul Ehrlich sur la « Bombe P », la surpopulation a occupé une part centrale des débats relatifs à l’écologie au début des années 1970. Pourtant, depuis, cette préoccupation s’est largement atténuée. On peut légitimement se demander pourquoi. La question de la population serait-elle devenue taboue ? Ou alors la démographie ne serait-elle finalement qu’un élément marginal de la problématique écologique, largement surestimée par certains pionniers de l’écologie ? Tentons d’y voir plus clair.

Pour avancer sur cette épineuse question, il faut commencer par rappeler les termes du débat. C’est précisément ce que les chercheurs étasuniens Paul Ehrlich et John Holdren proposèrent de faire dans un célèbre article paru dans la revue Science en 1971 . Les deux auteurs proposèrent alors une formule très générique permettant de calculer le poids qu’une société humaine exerce sur la nature, que l’on peut réduire à trois catégories de facteurs : la population (c’est à dire « combien nous sommes ») ; le niveau de vie et le mode de consommation (c’est à dire « combien nous consommons chacun ») ; la technologie (c’est à dire, plus ou moins, « comment nous produisons »).

(…)

La plupart des efforts pour modéliser notre impact sur l’environnement sont organisés sur cette base. Pour prévoir les émissions de gaz à effet de serre au cours du 21ème siècle, les scientifiques du GIEC, par exemple, sont obligés de bâtir leurs scénarios sur l’évolution possible de ces trois facteurs. Il leur faut en effet répondre à ces questions incontournables : Combien serons-nous ? Quels seront nos modes de vie ? Et de quelles technologies disposerons-nous ? C’est également ces facteurs qui déterminent notre empreinte écologique.

L’empreinte écologique mesure la surface de terre et de mer biologiquement productives qu’il faut mobiliser pour répondre de manière pérenne à nos besoins. Depuis le début des années 1960, l’empreinte écologique de l’humanité a été multipliée par 3 ; et depuis le milieu des années 1980, cette empreinte écologique est supérieure à la biocapacité mondiale, ce qui signifie que nous mobilisons des services issus de la nature au-delà de leurs capacités de régénération. Par exemple nous épuisons les stocks de certaines ressources renouvelables et nous dépassons les capacités de la biosphère à séquestrer le CO2 que nous émettons dans l’atmosphère. La nature n’arrive tout simplement plus à suivre…

Mais jusqu’à quel point la croissance démographique en est-elle responsable ? Si on en croit les chiffres des Nations-Unies, la population mondiale a été multipliée environ par 2 durant la même période. En comparant les évolutions de l’empreinte écologique (x 3) et de la population mondiale (x 2), la conclusion est apparemment limpide : les changement de mode de production et de consommation ont entraîné une augmentation de l’empreinte écologique individuelle d’environ un tiers ; et la croissance démographique explique à elle seule les deux autres tiers de l’augmentation de l’empreinte écologique mondiale. Le facteur P serait donc le principal élément explicatif de la dégradation de la planète.

La réalité est en fait plus complexe. Car non seulement les pays les plus riches ont une empreinte écologique nettement plus élevée que les pays pauvres, mais ce sont également ces nations dites développées dont le poids sur l’environnement a le plus augmenté au cours des quarante à cinquante dernières années.

En effet, la population des pays les plus riches a peu évolué durant cette période. Mais un habitant d’un pays riche a vu son empreinte écologique augmenter de plus de 50% entre 1961 et 2007. Durant le même laps de temps, la population des pays pauvres a quant à elle fortement augmenté, certes… mais l’empreinte écologique d’un habitant d’un pays pauvre est restée stable, voire a légèrement baissé.

Depuis cinquante ans, l’augmentation de notre poids sur l’environnement est donc tout autant due à la croissance de la population mondiale… qu’à la frénésie de consommation de ressources naturelles qui s’est emparée des pays les plus riches. »

Pour lire la suite… eh bien le numéro 389 est épuisé ! Mais heureusement, il est intégralement téléchargeable ici C’est pas beau, ça ?